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切腹 Seppuku (Hara-Kiri)

24 Mars 2015, 12:33 Samouraïs

(1962, de Masaki Kobayashi)

(1962, de Masaki Kobayashi)

Un samouraï déchu se présente au palais d'un noble, pour y demander l'autorisation de pratiquer le suicide rituel du seppuku. Le seigneur accepte et réunit ses hommes pour la cérémonie. Pendant qu'un officier va chercher l'assistant demandé par le samouraï, ce dernier propose de raconter à tous l'histoire de sa déchéance... 

 

Hara-Kiri est une oeuvre aussi belle qu'éprouvante, qui reprend les codes du chanbara mais qui en brise en meme temps les présupposés, d'une façon similaire à RébellionC'est l'honneur, vertu cardinale du samouraï qui est en question ici : une opposition irréconciliable se met en place entre le héros, qui, [spoiler] n'ayant plus rien à perdre, vient dénoncer frontalement le manque de compassion des notables, et le chef du clan, pour qui le respect de l'honneur signifie appliquer aveuglément les règles et préserver la bonne image de son administration. Le rituel du suicide par éventration est montré dans toute sa cruauté (l'éprouvante scène du début du samouraï qui doit s'ouvrir le ventre avec son sabre en bois), et toute son ambiguïté : vu par les nobles comme un acte de rachat et de maîtrise de soi face à la mort, il est employé par les guerriers réduits à la misère comme un moyen de chantage.

Hara-Kiri est une attaque en règle contre la société japonaise traditionnelle, figée dans ses codes d'honneur iniques. Mettant en scène un Tatsuya Nakadai magistral en samouraï pris de la rage du desespoir, Masaki Kobayashi se pose en anti-Kurosawa : là où ce dernier glorifiait la bravoure désintéressée de ces guerriers, qu'ils soient nobles ou rônins, Kobayashi en révèle la fausseté et montre comment, même dans ce choix apparemment individuel et purement moral du suicide, se joue une impitoyable lutte des classes : selon leur condition sociale, tous les samouraïs, qui ne sont pas égaux dans la vie, ne le sont pas non plus face à leur mort. On peut dire que la belle image du bushido est littéralement éventrée par ce film !

 

切腹 Seppuku (Hara-Kiri)

L'acteur principal, Tatsuya Nakadai offre une performance d'exception dans la peau de ce samouraï qui semble déjà parler depuis l'outre-tombe.

Nakadai a été pendant longtemps le n°2 des géants du cinéma japonais, juste derrière l'indépassable Toshirō Mifune, dont il a d'ailleurs souvent été l'ennemi à l'écran. Il est inoubliable dans Sanjuro dans le rôle de Muroto Hanbei, raide officier révulsé et fasciné par le cynique rônin qu'incarne Mifune. Il joue aussi le fidèle ami de ce dernier dans Rébellion, tout en calme et en équilibre face au vieux samouraï en proie à une colère vengeresse. 

 

Un critique a pu qualifier Nakadai de "huitième samouraï" (il apparaît en effet quelques secondes dans Les sept samouraïs) et parle très justement de son « stentorian baritone that might belong to the devil’s own ventriloquist dummy, and a pair of orb-wide eyes, as alabaster as snake’s eggs, so eerily inner-illuminated they threaten to rupture into liquid light » -une voix de baryton digne de Stentor, qui pourrait être celle de la marionnette de ventriloque du Diable en personne, et une paire d'yeux exorbités, d'albâtre comme des oeufs de serpents, luisant d'un éclat fantastique comme s'ils étaient sur le point d'éclater en un flot de lumière !... 

 

Nakadai a l'art de jouer des personnages au style tranchant comme une lame de katana. De physique, il est plus fin que le plus robuste Mifune, et il se joue de cette carrure moins imposante en accentuant ses expressions, qui semblent celles d'un possédé. Ténébreux et lumineux, il est le clair-obscur fait homme.

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