[JV] Technobabylon

(2015, de Technocrat Games)

En 2068, la métropole de Newton, est dirigée par une super-IA, Central, qui laisse peu de place à la vie privée. Tandis que les élites peuvent échapper en partie à la surveillance de masse, les citoyens de secondes zones vivent dans des appartements standardisés. Ils s'évadent du monde réel dans la Transe, un gigantesque espace virtuel où ils peuvent se recréer une personnalité et se divertir grâce à des activités imaginaires. Latha Sesame, y passe tout son temps et a développé une affinité particulière avec la Transe. Peu à l'aise dans le monde réel, c'est une pro du hacking dès qu'elle est dans le virtuel.

En parallèle de son histoire, deux agents de police sont envoyés enquêter sur le Mindjacker, un hacker qui vole la personnalité de ses victimes. Le Dr Regis est le flic vétéran, grognon, méfiant envers la technologie au point de refuser tout implant dans son cerveau ; il est plutôt du genre à faire confiance à son expérience et son flair. Au contraire, son assistante, le Dr Max Lao, est une spécialiste de la technologie et des systèmes de sécurité. 

Le joueur incarnera tour à tour Latha, Regis et Max, dont les destins vont se croiser quand ils vont découvrir une conspiration contre le système de Central...

Technobabylon est un mélange réussi entre le passé et l'ancipation : le jeu est en pixel-art rétro, façon années 90 avec un système de point&click tout ce qu'il y a de plus traditionnel. Il nous emmène dans un avenir dystopique, avec une intrigue qui emprunte à des films tels que Blade Runner, Gattaca, Ghost in the Shell ou encore Strange Days. Pour ce qui est des jeux vidéos, on pense aussi à des réalisations comme Detroit: Become Human (dont je parlerai bientôt) ou Silicon Dreams.

Le jeu est bien dans son époque. Sorti en 2015, il respecte tous les quotas du politiquement correct à l'Américaine : il y a un équilibre strict entres blancs, noirs, asiatiques, amérindiens etc. ; il y a au moins autant de femmes que d'hommes ; un des personnages principaux est une transsexuelle (ex-homme) ; parmi les victimes, on trouvera un couple d'homosexuels (un blanc et un noir) etc. De quoi satisfaire les militants "woke" les plus endurcis... Il faut dire, cependant que ces marqueurs de diveristé ne sont pas mis en avant de façon appuyée (militante...) : tout cela est présenté naturellement, de sorte que les individus ne sont pas réduits à leurs appartenances ethniques.

Cela est aussi dû au fait que les dialogues sont bien écrits et que les motivations des personnages sont très bien rendues. L'histoire proposera plusieurs choix cruciaux influant sur la suite des événements.

Le système de jeu étant le point&click à l'ancienne, il s'agit d'utiliser tel objet sur tel autre, par exemple d'utiliser un scalpel pour ouvrir un panneau d'alimentation ou de mettre un chiffon brûlant sur une bouteille de whisky pour faire un cocktail Molotov. Comme souvent, il y a des moments où l'on bloque : on a beau essayer de cliquer partout et d'essayer toutes les combinaisons possibles (du genre : essayer d'ouvrir une caisse avec un tournevis), rien n'y fait. Et c'est là qu'on a recours aux soluces, comme à la grande époque de Génération 4. Sauf que maintenant, on trouve les walkthroughs en ligne, pas besoin d'attendre le mois suivant... On apprendra donc à bricoler, démonter, réparer, hacker, bref à bidouiller toutes sortes de machines, du dispenseur de nourriture synthétique aux énormes serveurs informatiques.

Au total, Technobabylon est un bon jeu vidéo et du très bon cyberpunk. Comme dans tous les classiques du genre, on croisera des questions philosophiques sur les limites de la conscience humaine. Si l'on transfère un esprit dans un autre corps, est-ce encore la même personne ? Si on efface des souvenirs, est-ce encore la même conscience ? Combien faut-il de souvenirs accumulés pour former une conscience ?... Une réussite remarquable, digne d'un grand film.